Aux origines de l’excision et de la circoncisions.

Dans l’Afrique précoloniale, des pratiques collectives comme le limage des dents, les tatouages et les mutilations ont été des signes de reconnaissance mais aussi d’alliance des peuples entre eux d’une part, et d’autre part, entre eux et leurs divinités. L’excision et la circoncision sont de ces signes. Elles étaient rangées dans l’ordre des sacrifices sanglants.
L’excision et la circoncision ont constitué au départ, des signes de reconnaissance et des rites religieux. D’après un propos d’Hérodote cité par Anta Cheick Diop dans les volumes de l’Histoire générale de l’Afrique de l’UNESCO, ces pratiques sont d’origine africaine. Selon ces sources, les premiers égyptiens étaient circoncis dès la période proto historique (4 000 ans av.JC). Les hautes terres d’Afrique orientale ont été considérées comme leur berceau. C’est probablement de ces régions que les différents peuples d’Afrique et d’ailleurs ont emprunté ces usages.

Dans le cadre du Soudan, ce sont d’après Louis Desplagne, les envahisseurs Soussou partis de ces plateaux qui les ont propagées dans l’ouest africain par le canal des Malinké, leurs successeurs. Et tous les peuples qui ont adopté ces pratiques ont gardé comme points communs entre autres, l’attachement à la virginité des femmes dans le mariage. Selon la prédominance de l’influence soussou, des peuples adoptèrent l’excision ou la circoncision, parfois les deux. Mais de nombreux groupes primitifs parvinrent aussi à demeurer hors des zones de diffusion de ces pratiques. C’est le cas des Habbes ou Dogon, encore appelés Kibsi en moore, Kumbétieba en gulmanceba qui, d’après Marcel Griaule et Germaine Dieterlen ne pratiquaient pas l’excision. Il en est de même pour les noirs fulbé (Peul purs) et les Kri Habbes du Mali. La circoncision et l’excision disparaissent également chez les Tombo, Hombo, les Samo, les Lobi, les Dion, les Fon, etc. Les Sénufo et les Bobo pratiquaient l’excision des filles mais non la circoncision des garçons (TAUXIER L : 1927 ; p.390). Par contre, les deux types de mutilations sexuelles sont restés fréquents chez les Soninke, les Dioula- ouangara et les Marka. Une grande partie de l’Afrique occidentale au Nord de la boucle du Niger semble avoir été un foyer culturel de l’excision et de la circoncision.

Chez les Daka du Cameroun, la circoncision était en relation avec la mort du roi. La mort du roi donnait le signale des cérémonies de circoncision des jeunes (DUMAS C.F : 1989, pp.45-46). Beaucoup de Gurmanceba ignoraient la circoncision jusqu’à une époque récente. La pratique semble leur avoir été imposée par les Songhay. En effet, jusqu’au début du XX è siècle, le premier des circoncis d’un Kioogo ou camp des circoncis était systématiquement écarté de toute prétention à la succession au trône. Ce qui permet de dire qu’au départ, l’aristocratie tout au moins ignorait la circoncision.

Martial Halpougdou (Halpougdou M : 1984, p 45) souligne aussi que le terme " moaaga " (pluriel des moose ), désignait initialement " l’homme incirconcis ". Le Moaaga serait différent du " Ziinga " dans la langue secrète Baongo (circoncision en moore) qui, lui est circoncis. Pour Dim Dolobsom (Delobsom (A.A.D) : 1932, p 78), " Mossi " était employé pour désigner ces peuples incirconcis qu’étaient les Nînsi et les Yônyôose. Chez les uns comme chez les autres, la circoncision et l’excision " étaient interdites sous peine de bannissement " (Kiethéga et autres ; 1994, p 90). L’ignorance partagée de la circoncision et de l’excision semble être un fait qui s’étend à l’ensemble des populations pré-dagomba (avant le XIVè siècle) du Burkina Faso. On pense même que ces pratiques n’ont été introduites dans la Moogo, pays des Moose, que sous le règne de naaba Kom I (1781-1792) qui les imposa sous l’influence de ses oncles yarse.

Mais quoiqu’intéressante, cette éventualité ne peut être considéré comme une règle absolue pour tous les Moose aux quatre coins des royaumes car en matière de culture et de société, les lois ne sont pas toujours rigides et figées dans le temps et dans l’espace. Des interférences multiples peuvent s’introduire dans le cycle d’évolution des cultures et provoquer des déviations et des déperditions par rapport à la civilisation de base et à la logique d’évolution.

Pour le cas présent des mutilations sexuelles, le phénomène en lui-même est assez complexe car il touche ce domaine très sensible qu’est la religion. Dans ses manifestations, il concerne le présent et le devenir des peuples entre eux et dans leurs rapports avec les divinités. Tout comme les tatouages, ces mutilations ont servi de passeport et de carte d’identité pour de nombreux peuples. Et comme les Soussou, beaucoup de peuples les ont adoptées pour se prémunir, se préserver et pour s’identifier à leurs voisins. Mais la pérennisation de ces pratiques a été fonction du degré de réceptivité des groupes. Certaines populations ont adoptées très tôt l’une ou l’autre des pratiques, parfois même les deux et ont aidé à leur diffusion dans les autres peuples vivant en alliance ou au voisinage avec elles. D’autres populations sont restées complètement réfractaires et imperméables à ces pratiques malgré les pressions multiples qu’elles ont subies du fait de leur force ou encore de leur isolement géographique, mieux, de leur repliement. Le reste enfin les a adoptées sans pouvoir généraliser leur pratique. Ce fut sans doute le cas des Moose où on trouvait des groupes sociaux pratiquants aux côtés d’autres non pratiquants.

Source : Sedogo Vincent Chargé de Recherche INSS/CNRST

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Un commentaire pour Aux origines de l’excision et de la circoncisions.

  1. jeanne dit :

    J’aime l’approche anthropologique qui donne à voir des connections ou des ruptures inattendues de pratiques rarement évoquées ensembles sous le même angle !

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